Si nous ne préservons pas la biodiversité, les crises sanitaires vont se multiplier

La destruction des habitats naturels est à l’origine de la pandémie de coronavirus qui frappe actuellement le monde entier. Les humains n’ont eu de cesse de s’installer dans des zones toujours plus reculées, mettant à mal les écosystèmes naturels indispensables à notre survie. En détruisant la biodiversité, ils ont ainsi détruit les barrières qui nous protégeaient jusqu’alors de virus dangereux.

chauve-souris-covid-19-biodiversite.jpgLe Covid-19 pourrait avoir pour réservoir animal la chauve-souris, comme c’était déjà le cas pour le SRAS en 2003 @CC0
Le coronavirus serait parti d’un marché aux animaux sauvages de la ville de Wuhan, en Chine, épicentre de l’épidémie, obligeant Pékin à fermer quelque 20 000 fermes et à interdire temporairement le commerce et la consommation d’animaux sauvages. D’après les recherches les plus récentes, le Covid-19 pourrait avoir pour réservoir animal la chauve-souris, comme c’était déjà le cas pour le SRAS en 2003. Mais on ne connaît pas encore avec certitude l’animal intermédiaire qui aurait permis la transmission à l’homme.

VIH, MERS, SRAS, Zika, Ebola, Chikungunya, grippe aviaire : 65 % des maladies infectieuses émergentes sont des zoonoses, c’est-à-dire des agents pathogènes transmis des animaux à l’homme, et 72 % trouvent leur origine dans le monde sauvage. Cela est dû au fait que l’humanité est désormais en contact avec des espèces qu’elle n’aurait jamais rencontrées auparavant, en investissant des endroits de plus en plus reculés et en détruisant leurs habitats naturels. Ces perturbations se produisent dans un contexte de circulation continue et massive des personnes, des marchandises et des animaux, qui favorise la propagation des virus et peut entraîner des pandémies comme celle que nous connaissons.

Supprimer la biodiversité pour supprimer les épidémies ?

« Dans les systèmes péri-urbains, nous avons développé des zones d’élevages connexes avec des zones de biodiversité. Nous avons ainsi bâti des points, des tremplins même, pour que ces virus se transforment, mutent et passent dans nos systèmes urbains où s’entassent les personnes les plus vulnérables face aux virus. Nous avons organisé des systèmes qui représentent de véritables vecteurs de propagation de ces épidémies », alerte Jean-François Guégan, directeur de recherches à l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE) et conseiller scientifique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.

Faut-il alors supprimer toute forme de biodiversité pour éviter tout risque ? De façon tout à fait contre-intuitive, c’est exactement l’inverse qu’il faut faire. Car c’est justement la grande diversité des espèces qui permet que les agents pathogènes soient dilués dans une multitude d’hôtes, voire stoppés, sans jamais arriver jusqu’à l’Homme. « Il ne faut tirer ni sur les chauves-souris ni sur les pangolins. La raison exacte de la diffusion du virus est la destruction des habitats naturels », insiste Jean-François Guégan.

La nature nous envoie un message

Selon plusieurs chercheurs, l’émergence d’une pandémie comme le Covid-19 était prévisible. Une étude de 2007 sur l’éclosion du SRAS avait ainsi conclu que « la présence d’un grand réservoir de virus de ce type dans les chauves-souris, ainsi que la culture de se nourrir de mammifères exotiques dans le sud de la Chine, représentent une bombe à retardement. » « C’est presque toujours un comportement humain qui en est la cause et il y en aura plus à l’avenir si nous ne changeons pas », a déclaré le professeur Andrew Cunningham, de la Zoological Society of Londres au Guardian.

En outre, le risque épidémique est également sensible aux changements climatiques, la longueur des saisons pouvant favoriser le développement d’une épidémie et sa durée. « Le dérèglement climatique s’accompagnera (et s’accompagne déjà) d’une large propagation géographique de certains vecteurs infectieux comme le moustique tigre, et de phénomènes délétères comme ceux qui sont liés au rejet de virus quasi oubliés du fait de la fonte du permafrost », prévient Thierry Pech, directeur général de Terra Nova, dans une note publiée le 23 mars (1).

« La nature nous envoie un message avec la pandémie de coronavirus et la crise climatique en cours », a réagi Inger Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement. « Notre réponse à long terme doit permettre de s’attaquer à la perte d’habitat et de biodiversité », a-t-elle ajouté.

Source : Concepcion Alvarez – Novethic